Je pensais ne plus remettre les pieds dans l’Okiya avant un petit bout de temps. Surtout depuis que j’ai ramené Atsuo chez moi. Cela dit, il me manquait quelque chose. Quelque chose que je remarquais à chaque fois que je venais ici. Quelque chose qui attisait ma curiosité et qui me plaisait. J’aime les personnalités un peu hors du commun, j’aime les défis, ça doit être ça. Alors, une fois retirées mes chaussures, quitté mon manteau, je demande un service bien particulier. Je veux prendre le thé avec le petit Sei Hwan, peu importe le prix du service, c’est que je voulais. Je n’ai pas pour habitude de voir mes caprices refusés, aussi peu soient-ils. Un sourire charmeur, la somme sur la table, et on va me chercher ledit Geisha. Atsuo piquerait certainement une crise de me savoir ici, mais en dehors du bar, il fallait bien que je m’occupe moi aussi.

Je me souviens encore la première fois que j’ai mis les pieds ici. Je devais avoir quatorze ou quinze ans. Mon père tenait à ce que je voie de mes propres yeux ce qu’était cet Okiya dont il me parlait si souvent. Il avait surtout envie de tirer son coup avec une de ses Geisha, moi je suis resté dans le salon, et il semblerait qu’il ait payé pour qu’on s’occupe de moi. Cela dit, je ne m’en souviens pas avec exactitude, ça ne m’avait pas marqué, personne ne m’avait marqué. Le seul à l’avoir fait, fut Atsuo il y a deux ans, et il semblerait que ce petit Sei Hwan fasse pareil. Pas avec la même intensité que mon Geisha, puisqu’il n’a pas la même chose dans le regard, mais… il a réussi à me faire venir ici. Un léger sourire charmeur s’affiche sur mes lèvres alors qu’il arrive face à moi. « Tout le plaisir est pour moi Sei Hwan. » je me demande s’il y en a d’autres des comme moi, des Danna qui ne cherchent pas que le sexe dans cet accord. Glissant mes mains dans mes poches j’acquiesce. « Je suis sûr que ça en vaut la peine, je te suis. »

J’ignore s’il en est conscient, mais je peux facilement lire ses émotions sur son visage. Il n’est pas innocent, mais il est surpris, certainement parce que je l’ai demandé expressément. Ses traits sont fins et son regard quelque peu perdu. Le regardant installer les coussins, je peux repérer quelques petites fautes de posture, ce qui me fait sourire, son enseignement ne doit pas être encore fini donc. Je prends place après y avoir été invité, et m’assois confortablement sur mes genoux. « J’avais envie de te connaître. Les autres n’ont su éveiller de l’intrigue en moi, toi si. » Au moins, on ne dira pas que j’y vais par tours et détours, je ne suis pas du genre à raconter des histoires lorsqu’il ne le faut pas. Je passe une main dans mes cheveux blonds et le regarde, inclinant légèrement la tête. « Je suis Shogo Ryû, seul héritier de la famille Shogo. » Et voilà, les présentations étaient ainsi faites.

J’observe attentivement, mais discrètement ses mains préparer le thé. C’est une habitude chez moi, je juge les Geishas comme on me l’a appris à le faire, et ce malgré moi. Je ne m’arrête pas sur cette impression, bien sûr, mais, c’est programmé, je ne puis m’empêcher de le faire. Je garde mes mains scellées sur mes genoux, et lui souris. « Officieusement, tu m’as bien mémorisé ? Il n’est donc pas si étonnant que je sois venu à ta rencontre dans ce cas, tu ne crois pas ? » Je dégage mes cheveux de mes yeux du bout des doigts, le détaillant encore une fois. Je ne me lasse jamais de découvrir de nouveaux détails sur les gens que j’ai envie de côtoyer et qui attirent vivement mon attention. « Je doute que tu le fasses… » Je le laisse me servir, puis, pose mes mains de part et d’autre de la tasse, la faisant tourner comme il se doit, avant de la lever correctement, et en prendre une gorgée, reposant la petite tasse. « Je me demandais… toi qui avais l’air si réservé depuis ce temps, on dirait que ta langue se démêle facilement ; est-ce commun ? »